La consultation d'archives a permis à deux membres de l'association (MCPT) de retrouver le discours prononcé par le docteur Henri Guichard, maire de Marciac, lors de l'inauguration du monument aux morts le 26 juin 1921.
Avec les cérémonies du 11 novembre, il a paru intéressant de publier ce document dont certains passages permettent de mesurer le chemin parcouru depuis lors.
Bonne lecture !
Mesdames, Messieurs
C'est avec une émotion profonde que j'ai le grand honneur d'offrir, en ce jour, à la ville de Marciac, le symbolique monument élevé à la mémoire de ses glorieux morts.
Et tout d'abord, qu'il me soit permis de saluer au nom de la Commune toute entière Mr. le Sous Préfet de Mirande qui a bien voulu représenter ici le Gouvernement de la République
ainsi que Mr. le Général( ? ) Jeantai(?) délégué du Général commandant le 17e Corps et venu tout exprès pour représenter l'armée française à cette cérémonie et apporter à nos morts son salut fraternel.
Je dois aussi présenter tous les remerciements de mes concitoyens aux membres du comité chargé de l'érection de ce monument.
Avec un zèle méritoire et sans se laisser arrêter par les critiques, plus ou moins justifiées, ils ont mené à bonne fin leur entreprise patriotique.
Nous les félicitons !
Toutes nos félicitations vont également au distingué statuaire créateur de l'œuvre que nous inaugurons. J'ai nommé Mr. Larrieu, dont le sens véritablement artiste a su interpréter les sentiments de nous tous. Elève du grand statuaire Rodin, Mr. Larrieu s'est montré digne de son illustre maître.
Sous la forme d'une gracieuse femme qui se penche vers le buste du soldat de France, il a voulu représenter la Commune de Marciac. Elle tient à sa main droite, une palme qu'elle lui présente et elle semble lui dire:" gloire à toi, soldat de France, soldat de notre petite patrie ! La Commune toute entière vibrant d'amour et de reconnaissance envers toi, te consacre ce monument éternel souvenir de sa reconnaissance infinie "
Mesdames, Messieurs, au mois d'août 1914 quand sur nos campagnes en émoi retentit le tocsin d'alarme, annonçant le début de la grande guerre, de tous côtés, le cœur serré mais l'âme fière, ils sont partis, nos chers enfants, laissant derrière eux leurs vieux parents dans le déchirement de la séparation mais résignés au sacrifice nécessaire que leur demandait la Patrie envahie.
Ah ! oui, certes, de part et d'autre plus d'une larme avait été furtivement essuyée, mais le devoir parlait haut, et la France était en danger. Qu'importe la douleur! Qu'importe la mort, dans toutes les bouches un seul cri: Vive la France !
Et ils sont partis, ces chers enfants vers les brumes du Nord, en vrais soldats Français, sans peur et sans reproches…..Ce qu'ils ont souffert pour nous, pour la patrie, nous ne le savons que trop.
Notre cœur en est profondément ému ! On renonce à trouver des mots pour les célébrer et pour leur dire toute notre admiration, toute notre reconnaissance.
Nombreux ils avaient pris le chemin de la frontière. Combien hélas n'ont pu reprendre le chemin du retour, et leur place au foyer !
Quarante six places ici, désormais resteront vides dans les familles en deuil. Vide inoubliable !
Je cite ici les paroles de Mr. Barthou: " Ceux que nous pleurons savaient le prix exemplaire du dévouement et la grandeur contagieuse du sacrifice. Ils avaient appris à souffrir et non à reculer. Ils n'avaient peur de rien, pas même de la mort, subie fièrement dans l'attente de la victoire. Ils n'ont pas pu prendre leur part si méritée de l'apothéose, mais leur holocauste leur a permis de s'endormir sans se plaindre à l'ombre ou dans les plis du drapeau !"
La douleur des veuves et des mères au retour de nos soldats s'est accrue de la comparaison avec la joie des autres. Quel courage, il leur a fallu, pour supporter cette joie si exubérante qui accueillait ces revenants de l'Infernale tourmente…de ce cyclone mondial !
Là bas une modeste croix de bois rappelle leur héroïsme. Pieusement la France entretient autour d'elle de fraîches fleurs et chaque année elle lui apporte ses couronnes. A Marciac, dans leur ville natale, un monument commémoratif où sont gravés leurs noms en lettres d'or transmettra aux générations futures leur souvenir. Il les incitera à marcher sur leurs traces, à imiter leurs vertus et au besoin leur sacrifice. Ils sont morts ces fils de France pour leur Patrie, certes, mais aussi pour l'idéal d'une humanité meilleure et pour briser à jamais la puissance de cette nation de reitres et de pillards dont la maxime féroce est toujours et quand même:
La force prime le droit !
Puisse de leur glorieux sacrifice jaillir le sentiment d'une union féconde entre nous tous ! Puissent-ils de leur voix affaiblies qui nous parviennent par delà leur tombe nous encourager et nous consoler !
Mais il ne faut pas que l'image du soldat disparu s'efface lentement dans le cœur consolé de ceux qu'il aimait tant. Il ne faut pas, ainsi qu'on l'a "écrit que nos chers morts, meurent ainsi une deuxième fois "
Citoyens de Marciac, il n'en sera pas ainsi et le beau monument élevé en ce jour à nos glorieux enfants est le splendide témoignage de votre piété, de votre reconnaissance et de votre impérissable souvenir.
Vieux guerriers Francs !
Vaillants croisés !
Chevaliers de Marignan qui avez sauvé l'honneur!
Vainqueurs de Jemmapes et de Valmy !
Héros de la grande armée !
Zouaves de Magenta !
Cuirassiers de Reichshoffen !
Vous tous qui êtes tombés pour la patrie !
Vous tous qui triomphez au paradis des braves! Inclinez vous bien bas, quand passeront là haut, les glorieux morts de Marciac, les martyrs de la France !
Discours d’Henri Guichard, le 26 juin 1921. (article de Jean Lavarini ) et photographie [très probablement liée à l'évènement] ... où , sous le balcon de la mairie, le maire lisant son discours.
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